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Jour 3 de résidence : mercredi 25 mars / murmures

A l’instant il n’y a que le bruit de la mouette. Hier le bruit du tracteur et celui des grosses mouches et des voix des camarades de confinement et des voix familières sur mon téléphone et les murmures des mots les petits cliquetis de chaque lettre sous le poids de mes doigts ces petits bruits de ceux qui trouvent leur place désordonnée sur l’écran un joyeux bordel. Ces bruits-là rassurants laissent la place au silence ce matin. Ne sont pas assez forts ces bruits. On voudrait les faire entendre dans le haut-parleur d’une bonne et grande manifestation ces bruits. Ils ne peuvent les taire les bruits du monde ceux qui se font entendre plus forts encore dans la rumeur des médias ils se faufilent partout plus contagieux qu’un virus se diffusent ces bruits dans les liens affectifs et sur les écrans. Au cœur de la crise les remises en questions n’ont pas la cote et on marche jusqu’à sans trop s’en rendre compte rejeter l’autre se méfier de celui qui tousse barricader ses espaces oublier le collectif. J’ai envie d’ouvrir ma maison écarter les côtes si longtemps restées fermées j’ai envie de ranger mes livres dans une immense bibliothèque et avoir toujours un lit prêt pour celle ou pour celui qui passe et qu’on n’attend pas parce qu’au plus fort de la crise il est bien là l’effroi les femmes et les hommes submergés par l’incertain. Je redresse mes omoplates je prends une grande respiration je ne veux pas fermer les volets. Et dans cet élan-là j’écoute le doux bruit naissant le bruit des souffles. Ils sont remplis de vie. Des souffles que le plus gros de la crise révèle chez les êtres. Et soudain je veux être envahie de ce murmure.

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