Les dimanches de mes 15 ans échappent à ma mémoire.
Ils n'étaient pas ponctués de rituels qui auraient pu me donner les moyens de les reconstruire en souvenirs stables.
Les images de mon adolescence sont aussi précises, puissantes et vives qu'elles sont noyées dans un temps débridé et indifférenciable.
Les souvenirs que j'en ai, les images qui m'en reviennent ressemblent à ce que j'étais alors : vivante, trop ; floue, trop ; trop tout... C'était un temps déraisonnable (On avait mis les morts à table. On faisait des châteaux de sables. On prenait les loups pour des chiens. Tout changeait de pôle et d'épaule. La pièce était tellement drôle. Moi, si j'y tenais mal mon rôle. C'était de n'y comprendre rien.).
A 15 ans, ça n'était déjà plus le temps du 4 heures et des gaufrettes à la framboise trempées dans le thé au lait avec môman.
A 15 ans, j'allais peut-être passer la journée avec elle chez son amant. Je lui empruntais des livres et ça parlait intelligent. C'est ce qu'ils se disaient. C'est ce que je croyais et c'était sans doute vrai. Je les écoutais beaucoup, impressionnée souvent, étrangère tout le temps.
A 15 ans, je passais peut-être aussi des dimanches avec mes potes, la bande. On vaquait. On écoutait de la musique chez la mère de l'un d'entre nous, notre repaire, notre repère (on vivait tous chez nos mères...).On écrivait ensemble, atelier d'écriture de sauvages.
Mais c'était la seconde, le lycée, et déjà la bande se délitait un peu après 4 années de collèges-collés, de contruction ensemble, filles et garçons, et prenant tous les risques libérés de parents dépassés ou indifférents, désordonnés, curieux, joyeux, abandonnés, ensemble et seuls.
Le dimanche, il y avait le masque et la plume, manière de messe du soir.
Et la merde ! Le lycée demain matin, tôt, toujours trop tôt ! Le froid sur ma 103 bleue. Bonne élève par habitude. L'ennui infini des cours...
Mais aussi les potes, surtout, d'abord, surtout... Ensemble et seuls.
Catherine, 58 ans
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