Femme au bord de la crise de mer - Clotilde de Brito
texte de chanson à caractère fortement revendicatif - Tous droits réservés - mai 2020
Monsieur le président, promis, je serai sage,
Je respecterai bien tous les gestes « barrière »
Si vous m’autorisez à retrouver la plage
Où j’allais très souvent griffonner quelques vers.
La côte est, voyez-vous, bénéfique à ma muse.
La mer et ses embruns vivifient mon cerveau.
Je vous demande ainsi sans malice et sans ruse
De me laisser déambuler au bord de l’eau.
Car c’est le quotidien qui cadence ma verve,
Et ces deux derniers mois ne m’ont pas inspirée :
J’ai tout juste pondu des textes en conserve
Que j’estampillerais «poésie confinée ».
Monsieur le président, promis, je serai sage,
Je ne cracherai pas, je fermerai la bouche.
L’oiseau qui trop longtemps s’est retrouvé en cage
Sait le prix d’être libre, et le vent l’effarouche.
S’il faut porter un masque (et cela sans tuba),
Je suis prête à le faire, et plutôt deux fois qu’une.
Tout pour fouler le sable et sentir sur mes bras
L’air frais chargé de sel et contempler les dunes.
Je n’approcherai ni mouettes ni goélands,
Et si jamais je croise un gros Bernard l’Hermite,
Aussitôt, sans délai, je quitterai l’estran :
Je sais l’impératif des distances limite.
Quant à frôler des gens, des bipèdes lambda,
Jamais ça ne s’est fait sur notre littoral !
On pourrait l’imputer au fluctuant climat
(À l’instar des décisions gouvernementales…).
Certes il est arrivé que sur deux kilomètres,
Nous ayons été quinze ! Mais faites le calcul !
Le risque est bien plus grand, vous devez bien l’admettre,
De poser son panard sur une crépidule.
Nos bords de mer ici, ce n’est pas Paris plage.
Si nous sommes têtus, vous êtes jacobin.
Car si le corona chez vous fait des ravages,
Nous croisons fort les doigts, ici on en est loin.
Et loin de moi l’idée de vouloir fair’ des vagues :
Évitons la deuxième, mais goûtons à l’écume !
J’ai besoin de la mer (ou ma raison divague)
Comme le macareux a besoin de ses plumes.
Bien que dansant l’andro, le plinn et la gavotte,
Je n’ai jamais été une indépendantiste,
Car j’aime la « province », le Nord, le Tarn, le Lot,
Même parfois Paris, qui ignore qu’on existe.
Mais si l’interdiction stupide continue,
Que vous la prolongez en dépit du bon sens,
Je m’envelopperai d’un drapeau Gwen ha Du
Pour chanter la Bretagne et son indépendance.
envoi : Il s’en faut de très peu que mes neurones gèlent (hydroalcoolique)
Que je tombe le masque, et sans mettre de gants (chirurgicaux)
Je signerais alors d’une plume rebelle
L’attestation que tout ceci est fort navrant.
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